Les cuisiniers de Laguiole, père et fils, ont depuis longtemps séduit la planète gastronomique, autant par la fidélité qu’ils vouent à leur territoire que par leurs créations.
Nécessité au départ, la cuisine est très vite devenue le fil conducteur d’une vie pour Michel Bras, guidé par sa gourmandise, son sens de la contemplation et son désir sans fin d’expérimentation. Habité par le territoire de l’Aubrac, il puise dans sa terre comme dans ses cieux une inspiration sans fin. Après avoir aiguisé sa cuisine auprès de sa mère au restaurant familial Lou Mazuc à Laguiole, il installe en 1992 le restaurant Le Suquet au sommet d’une colline dominant le village. Il initie une cuisine épurée, audacieuse, sincère, tournée vers la nature, avec cette envie d’en faire partager une vision contemporaine. Après avoir été reconnu comme un éclaireur par les chefs et gastronomes du monde entier, il laisse progressivement son fils ainé Sébastien tracer sa voie aux cuisines du Suquet. Il demeure à ses côtés afin de poursuivre leurs voyages culinaires qui les mènent à Paris et à Karuizawa au Japon.
Certaines créations de Michel Bras ont particulièrement marqué de leur empreinte le paysage gastronomique. Véritable feu d’artifice qui se renouvelle sans cesse au gré des saisons et des jours, le Gargouillou est une lecture intime de l’Aubrac. Amarante, bourrache blanche, ail rocambole, trèfle, moelle de chou-fleur, pois, cerfeuil tubéreux, mouron des oiseaux, radis rose, salsifis, tomate, cébette, cistre... et autres légumes, jeunes pousses, feuilles, fleurs, moelles, graines ou racines se mêlent, dans une architecture végétale, éclatante de saveurs et de couleurs. Ce plat, toujours servi au Suquet, près de son lieu de germination, résonne aujourd’hui comme un des plus beaux hommages à la nature.
Le coulant au chocolat inventé par Michel Bras dès 1981 connaît aujourd’hui encore un succès planétaire. Inspiré par un chocolat chaud avec les siens au retour d’une froide journée de ski de fond, le cuisinier est parvenu à cette prouesse après deux ans de recherche. Ce mystérieux cylindre de biscuit retenant une coulée de lave chocolatée prête à s’échapper dès la première cuillérée, suscite toujours surprise et gourmandise. Sébastien honore aujourd’hui encore cette audace par mille interprétations salées et sucrées toujours aussi magiques, qui pourront être dégustées, tout comme l’original, à la Halle aux grains.
La cuisine a toujours été pour Sébastien un terrain de jeu naturel. Cet enfant, bercé par les bruits des casseroles et les effluves des bouillons qui se faufilaient jusqu’à sa chambre située au-dessus des cuisines, a fait ses gammes au piano familial dès le plus jeune âge. Pas le temps pour Sébastien de prendre le sien, il rejoint vite son père dès l’ouverture du Suquet. Père et fils tissent alors cette relation de confiance et parfois de défiance mais sont conscients qu’ils partagent une même vision et sensibilité, celle d’une cuisine hors-sol, mais plein champ, façonnée par un territoire et pétrie de générosité. Il dirige seul les cuisines du restaurant depuis 2009 pour y inventer une « cuisine de l’instant » spontanée, vivante, sensuelle, qui touche le cœur plus que la tête.
Leur sensibilité à la création a toujours conduit Michel et Sébastien à se tourner vers des lieux à l’expression architecturale et artistique forte. Ils ont bâti au Suquet un vaisseau de verre, de pierre et de lumière avec audace dès le début des années 1990. À Millau, Rodez ou Karuizawa, leur cuisine côtoie les œuvres de Norman Foster, RCR Arquitectes, Pierre Soulages et Kengo Kuma.
L’invitation de François Pinault à la Bourse de Commerce s’inscrit avec justesse dans cette histoire. « L’architecture légère de Tadao Ando va délicatement frôler celle de la Bourse de Commerce, l’histoire et l’art contemporain vont se mêler. C’est un lieu inspirant, qui donne du souffle. » confie Michel Bras.